La Commission de l’Union africaine, la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique et la Banque africaine de développement sont fières de présenter la deuxième édition de l’Indice de l’intégration régionale en Afrique. Le moment ne pourrait mieux tomber avec la ratification récente, par plus d’une cinquantaine de pays africains, de l’Accord sur la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). La ZLECAf constitue la plus grande zone de libre-échange au monde, avec un PIB combiné de plus de 3,3 trillions de $ US et une population de plus de 1,2 milliard. À elle seule, la suppression des barrières tarifaires stimulera la croissance commerciale d’au moins 53 %, tandis que l’élimination des barrières non tarifaires pourrait multiplier par deux le commerce intra-africain.
On estime qu’en Afrique, la croissance économique sera de plus de 4 % en 2019-2020, soit une augmentation par rapport aux 3,5 % enregistrés en 2018. Stimulés par la ZLECAf, plus de 40 % des pays africains prévoient une croissance d’au moins 5 % cette année, alors que le prix des produits de base est à la hausse et que la demande intérieure, de même que les investissements dans l’infrastructure, favorisent la croissance.
Ces chiffres montrent l’importance de l’intégration régionale et de l’Indice de l’intégration régionale en Afrique. Car si on veut atteindre ou dépasser les objectifs de croissance, il faudra assurer une meilleure intégration. En effet, l’intégration régionale est indispensable pour favoriser la connectivité, les flux d’investissement et la création de valeur. La connectivité est le nerf de l’économie du XXIe siècle, qu’il soit question de relier les pays enclavés à des ports maritimes ou qu’il s’agisse de portails pour les TIC dans les foyers et les entreprises à travers le continent. L’Afrique doit suivre ces tendances et montrer la voie, le cas échéant.
Pour notre continent, cela signifie non seulement la circulation des personnes, des biens et des services au sein des pays membres, mais aussi la transmission des données qui permettent la circulation de l’information et des outils nécessaires pour une plus forte valeur ajoutée. L’industrialisation et la valeur ajoutée sont deux composantes essentielles à la création de la richesse.
Afin d’atteindre un libre-échange harmonieux, les pays Africains doivent adhérer au Protocole sur la libre circulation des personnes, lequel permet aux négociants et aux investisseurs de mener leurs activités au-delà des frontières nationales. Il faut accroître le commerce au sein de l’Afrique même. Et puisque les échanges commerciaux sont tributaires de l’information, il faut prendre les mesures nécessaires pour relier les particuliers et les entreprises aux plateformes de données et d’informations qui facilitent le commerce, l’investissement et la promotion du développement et du bien-être économiques sur le continent.
Il y aurait beaucoup à dire sur les investissements considérables réalisés actuellement en Afrique en prévision de la croissance économique à venir. Partout sur le continent, on observe des investissements dans la production, le transport et la distribution d’énergie électrique, ainsi que dans l’amélioration de l’accès à l’électricité pour les entreprises et les ménages. Les routes, les ponts, les réseaux ferroviaires de même que de nouveaux aéroports favoriseront la circulation des biens, le trafic commercial et le flux de voyageurs. Certains ports sont en cours de modernisation afin d’accroître le transport maritime. Ces projets sont tous entrepris de façon durable, tout en favorisant un environnement plus sain et en renforçant la gestion des bassins versants.
Ces investissements n’ont pas lieu de façon isolée ; ils viennent compléter les mesures d’amélioration commerciale afin de stimuler la croissance du secteur privé, tout en renforçant les flux commerciaux entre les pays. Pour ceux qui détiennent les capitaux, ce sont là des signaux clairs des possibilités d’investissements fructueux qui découlent de l’accroissement de l’activité économique. De solides investissements dans l’infrastructure, accompagnés de retombées économiques contractuelles explicites, peuvent stimuler le commerce, les investissements et les efforts d’intégration qui visent une croissance durable.
À cet égard, on observe l’émergence de banques plus solides, un regain d’intérêt de la part des bailleurs de fonds ainsi qu’une croissance du financement commercial. Cela témoigne des possibilités qu’on peut mettre à profit pour l’Afrique, aujourd’hui et à l’avenir.
Cependant ce n’est pas qu’une question d’argent, puisqu’en bout de ligne l’investissement touche au développement et à l’amélioration de la qualité de vie pour tous les Africains et toutes les Africaines. Ainsi, tout en continuant d’appuyer les initiatives socioéconomiques sur le continent, nous réitérons que l’intégration régionale est un élément essentiel au développement durable et inclusif. Si nous demeurons fragmentés et ralentis par les barrières tarifaires, alors nous ne faisons qu’entretenir les obstacles qui appauvrissent nos populations et pénalisent l’Afrique dans le contexte concurrentiel des marchés mondiaux.
Alors, comment se présente la situation en Afrique? L’Indice de l’intégration régionale en Afrique donne un aperçu des progrès réalisés par les États membres. Certains pays vont de l’avant et affichent des résultats positifs, notamment sur la question du commerce et de l’harmonisation des politiques macroéconomiques. Mais d’autres pays stagnent et, par conséquent, ratent les occasions qu’offre l’intégration régionale.
L’indice tient compte de ces dimensions, c’est-à-dire l’intégration commerciale, l’intégration productive, l’intégration macroéconomique, l’intégration des infrastructures ainsi que la libre circulation des personnes. L’indice montre que l’intégration commerciale et l’intégration macroéconomique progressent de façon raisonnable sur le continent, mais qu’il faut renforcer la connectivité des infrastructures, la capacité de production de même que la libre circulation des personnes aux frontières.
En 2019, l’Indice de l’intégration régionale en Afrique montre que le niveau d’intégration générale du continent demeure bas, avec un score moyen de 0,327. L’intégration est notamment faible pour les dimensions productive et infrastructurelle, lesquelles sont à la base du fonctionnement des autres dimensions de l’intégration régionale. L’indice permet de voir que la performance est bonne dans 20 pays africains, alors qu’elle est faible dans le cas de 25 autres pays.
Cet indice présente en outre des propositions de politiques qui permettent de s’attaquer aux points faibles, tout en misant sur les progrès réalisés à ce jour sur le continent. Nous appuyons ces recommandations et initiatives stratégiques au sein de nos pays membres et des communautés économiques régionales. La mise en œuvre de la ZLECAf permettra certainement d’effectuer des pas de géants. Pour sa part, l’intégration régionale constitue le ciment qui permettra de réaliser ces choses.
Dr Akinwumi A. Adesina, Président du Groupe de la Banque africaine de développement
Moussa Faki Mahamat, Président de la Commission de l’Union africaine
Vera Songwe, Sous-secrétaire générale de l’ONU et Secrétaire executive de la Commission économique pour l’Afrique des Nations Unies